Des yeux magnifiques bordés d’un khôl intense, des costumes exotiques, des danses décomplexées… Joséphine Baker a enflammé les scènes internationales dans les années 1920, devenant une icône du Jazz. Ses charlestons endiablés ont marqué son temps. Elle est aussi une des premières artistes afro-américaines reconnues dans le monde entier. Ce sont toutes les facettes de cette femme talentueuse, courageuse et engagée que Google célèbre avec le doodle de ce samedi 3 juin. Une seule femme, mais plusieurs vies !
Son enfance
Joséphine Baker est née le 3 juin 1906 à Saint-Louis, dans le Missouri, de parents artistes, chanteurs et danseurs. Élevée par sa mère, froide et sévère,
après le départ de son père, Joséphine a une enfance pauvre et austère, où il lui faut très vite assumer sa propre subsistance.Elle n’a que 11 ans quand une violente émeute raciale éclate à Saint-Louis, faisant 39 morts et plusieurs milliers de sans-abri parmi la population noire de la ville. Cet événement tragique la marque profondément.
Joséphine apprend la danse librement dans les rues de Saint-Louis où le jazz est roi. À seulement 13 ans, elle est déjà une danseuse accomplie, mais, trop maigre, elle ne parvient pas à se faire engager pour son talent. C’est comme habilleuse qu’elle intègre alors une troupe qu’elle accompagne en tournée. Lorsqu’une des danseuses est blessée, elle peut enfin monter sur scène et s’y fait remarquer.
Mais avec ses 15 ans, elle est encore trop jeune pour qu’on lui confie un rôle.A New-York
Décidée à tenter sa chance, Joséphine arrive à New-York où, toujours comme habilleuse, elle travaille pour la revue « Shuffle Along », un spectacle de Broadway entièrement joué par des artistes noirs. Le jour où elle a l’opportunité de remplacer une des girls, Joséphine se déchaîne tant sur scène qu’elle y devient un phénomène. Elle obtient rapidement une des rôles principaux de la troupe.
A Paris
En 1925, Joséphine est repérée avec Sydney Bechet et 23 autres artistes pour venir à Paris et elle accepte de partir.
C’est une décision audacieuse que d’abandonner son univers linguistique et de quitter le monde noir qui lui était familier.Après des répétitions chaotiques au Théâtre des Champs-Elysées, la « Revue Nègre » connaît un énorme succès. Le tout-Paris se presse pour admirer cette succession de 11 tableaux comme autant de clichés condescendants de la vie des noirs. Tour à tour étrange ou sauvage, Joséphine laisse le public ébahi lorsqu’elle apparaît quasiment nue sur scène, se déhanchant d’une danse frénétique et primitive. On ne parle plus que d’elle, que ce soit pour l’admirer ou la calomnier.
Commence alors une période où la renommée de Joséphine gagne l’Europe.
Incarnation du moderne et du primitif, Joséphine est la muse de nombreux artistes, peintres (notamment les cubistes), écrivains, couturiers… Mais les succès ne viennent pas sans heurts : Joséphine choque par ses choix artistiques désinhibés et sa couleur de peau est une perpétuelle provocation dans le monde colonialiste.Un retour à New-York
Après dix ans passés à Paris, Joséphine retourne aux USA en 1936 pour un spectacle aux Ziegfeld Follies à Broadway. Malgré sa célébrité européenne, elle essuie des critiques accablantes qui brisent son rêve de reconnaissance dans son pays d’origine. Elle revient alors en France.
La Deuxième Guerre Mondiale
Dès le début de la guerre,
Joséphine s’investit dans la gestion d’un centre d’accueil pour réfugiés, soutient les soldats par des concerts ou par ses courriers. Elle participe aussi secrètement à la Résistance pendant la deuxième guerre mondiale. Ainsi elle sympathise avec des officiers allemands dans les fêtes de la haute société et utilise sa couverture de célébrité pour recueillir des renseignements qu’elle écrit sur ses partitions à l’encre sympathique. Après la guerre, Joséphine est récompensée par la Médaille de la Résistance, la Croix de Guerre et la prestigieuse Légion d’Honneur.Ses enfants
En 1941, Joséphine accouche d’un enfant mort-né et, après une grave infection, doit suber une hystérectomie.
Alors après la guerre, avec son 4ème mari Jo Bouillon, elle adopte 12 enfants de toutes races et nationalités dans le domaine des Milandes, en Dordogne. Elle les surnomme sa « Rainbow tribe », la tribu Arc-en-Ciel. Son projet : montrer qu’une communauté fraternelle est possible. Malheureusement l’adolescence tumultueuse des enfants, alors qu’elle est seule pour les accompagner, malmène son idéal de solidarité.Ses engagements
Défendre la diversité et combattre pour les droits civils est la préoccupation permanente de Joséphine. Elle refuse de jouer devant des publics qui excluent la présence des noirs et prend la défense de la population noire tant qu’elle le peut.
Ainsi, en 1963, elle retourne aux USA et participe à la « Marche vers Washington pour le travail et la liberté » organisée par Matin Luther King.La fin de sa vie
Dans les années soixante, mauvaise gestionnaire et dépassée par les charges de sa grande famille et de son domaine, Joséphine est accablée de dettes. Mais elle reçoit de nombreux soutiens. Des artistes comme Brigitte Bardot ou Jean-Claude Brialy viennent à sa rescousse, en la finançant ou en la produisant. La Croix-Rouge, pour laquelle Joséphine a travaillé pendant et après la guerre, et la famille princière de Monaco lui offre une villa à Roquebrune près de la principauté, alors qu’elle a été chassée du domaine des Milandes.
Joséphine s’éteint le 12 avril 1975, après avoir remporté un immense succès dans sa dernière rétrospective « Joséphine à Bobino ».
Tout au long de sa carrière, Joséphine parvient à se créer un personnage synonyme d’émancipation et de modernité, militant contre le racisme et les exclusions, engagée pour la liberté. Ernest Hemingway l’a d’ailleurs désignée « femme la plus sensationnelle qu’il avait jamais vue et ne verrait jamais. »
Un magnifique compliment pour une femme extraordinaire !