40 ans que je vis ici, 40 ans que Cabu, et Wolinski, puis Tignous et Charb font de mon pays, un pays qui ne se laisse pas taire, un pays où le second degré est encore possible, un pays où l’ont ri aussi, un pays dont je suis fière en somme. L’heure est grave, dessiner en France tue. Parler en France tue de sang froid. Ce soir, les esprits les plus libres qui soient sont décimés par l'horreur du fanatisme, de l'obscurantisme.
Et ce soir je réalise et j'ai honte, j'ai honte de n'avoir pas pris la menace qui pesait depuis déjà quelques années sur ce journal au sérieux. J'ai honte de n'avoir plus acheté Charlie Hebdo ces dernières années, au profit de lectures faciles dont nous inonde le web.
Je veux, du plus profond de moi, que ces morts ne soient pas vaines, qu'elles mènent à réfléchir, et moi la première, sur tout ce qu'on ingurgite et tout ce qu'on délaisse. Délaisser le fond, délaisser la culture, l'analyse, le libre arbitre au profit du formatage, c'est délaisser aussi notre ouverture d'esprit, notre esprit critique, et ainsi notre aptitude à tolérer, à partager, à vivre ensemble. Ils l'étaient libres eux, ils sont devenus les martyrs de notre république, nous nous devons de réagir, de reprendre le flambeau, de ne pas faillir, de ne pas avoir peur. Que ceux qui osent s' engager pour maintenir nos libertés ne soient plus seuls pour qu'on ne puissent plus les cibler, les atteindre.
La voix de Bernard Maris ne raisonnera plus dans ma salle de bain. Je pense à eux, je pense à leur famille, à leurs proches, je pense à nous qui avons désormais la responsabilité de faire respecter la tolérance, le respect des droits de chacun, comme ils l'ont fait tout au long de leur vie. Ils sont morts debout, nous ne devons pas vivre à genoux.
Charlie Hebdo est mort, que vivent Charlie Hebdo et consorts.