L'avis de Robert Neuburger
Les questions dites embarrassantes ne le sont que lorsqu'elles touchent un point sensible chez l'un ou l'autre des parents ou qu'elles sont posées dans un contexte particulier. L'intention peut être sincère chez l'enfant, mais parfois il éprouve un malin plaisir à mettre le parent en difficulté et, en particulier en présence d'un tiers. La même question formulée en privé ou en présence de personnes qui comptent pour le parent n'aura certes pas la même résonance. Cela dit, c'est parfois le seul recours de l'enfant quand il n'a pas obtenu en privé une réponse satisfaisante à ses questions. Par ailleurs certaines questions sont d'autant plus difficiles à répondre que le parent n'en connaît pas lui-même la réponse.
Ainsi : "Pourquoi n'as-tu pas de mari ?" demandé à une mère célibataire, ou "Pourquoi tu nous as quitté ?" demandé à un père qui a abandonné le foyer familial sont des exemples de questions dont la réponse n'est pas évidente. Cela dit, un point important ressort de l'étude : c'est la plus grande facilité des femmes à affronter les questions de l'enfant. Est-ce uniquement dans cette situation que les femmes se montrent plus courageuses que les hommes ? Il me semble au travers de mes consultations que, par exemple, les femmes peuvent beaucoup plus facilement que les hommes avouer leur manque d'appétence sexuelle à l'égard de leur partenaire. Sont-elles plus à l'aise face à l'intimité de façon générale ? Il y a la question des secrets de famille dont on nous a " rebattu " les oreilles. Il faut bien savoir que toute famille recèle des secrets mais que ceci n'est pas nécessairement source de pathologie mentale. Dans ces familles peuvent émerger des chercheurs ou des médecins ! Par contre, ce qui entraîne des difficultés mentales chez l'enfant sont les distorsions d'une réalité que lui pourtant perçoit : ainsi dans telle famille ou le chômage étant vécu comme une honte, cet état est nié alors que l'enfant voit bien que son père est présent de façon constante au foyer, ou bien que le père est sensé être parti en vacances alors que les visites au parloir de la prison sont régulières ou bien encore quand la paternité réelle de l'enfant lui est cachée alors qu'il ne porte pas le même nom que son père supposé...Une situation concrète illustre les rapports tant éducatifs que de dialogue qui se nouent entre parents et enfants.
L'exemple choisi est celui du rapport à la pornographie.Dans le langage contemporain, on qualifie de pornographique tout matériel écrit ou visuel ayant comme fonction exclusive d'être un excitant de l'activité sexuelle, sans prise en compte des sentiments qui peuvent ou non accompagner cette activité.
Cette conception d'un corps clivé pose problème aux parents.Il est de fait que les adolescents, plus que les adolescentes ont déjà tendance à avoir une telle conception du fait des pulsions sexuelles qu'ils vivent à cet âge. Comment se situer ? On lit dans les réponses l'embarras des parents. Ils hésitent à interdire, moins les femmes que les hommes. Le fait d'interdire les met en contradiction avec les principes actuels d'éducation, du moins ceux qui sont sensés les guider. Comment privilégier le dialogue et la confiance et dans le même temps interdire ? S'il est relativement facile d'interdire une pratique quand la santé de l'enfant est en jeu, ici il s'agit de morale. Or la société actuelle autorise la pornographie, donc que celle-ci a perdu son statut d'amoralité. Alors, quelle référence permettrait cet interdit parental ?
Source : Observatoire Vania " Les femmes et leur intimité " -Ipsos Public Affairs 2006