Toni, c'est qui ?
Pas n'importe qui !
Cette romancière, professeur de littérature et éditrice américaine est la huitième femme à recevoir le prix Nobel de littérature en 1993, mais le seul auteur afro-américain à avoir reçu ce prix.
C'est dire !
Pour l'info Chloe Anthony Wofford (ndlr : son vrai nom) est née le 18 février 1931 aux Etats-Unis.
Pourquoi on l'a-do-re ?
Parce que lire un roman de Toni Morrison, c'est entrer dans un autre monde, pour un voyage initiatique qui vous change à jamais.
Le labyrinthe de la narration nous perd, nous retrouve, nous reperd, et nous laisse finalement sans force, face à nous-même. Parfois, le roman reste longtemps en nous, comme une bombe à retardement ; et longtemps après, il garde et irradie encore son message, ses interrogations, sa musique.
Parce que son style est lyrique et sans complaisance, ses personnages sont forts et féminins, son univers est traversé de moments magiques, merveilleux.
Son thème principal est de décrire la situation des Noirs américains, l'horreur de l'esclavage et la difficulté de se frayer une place dans le monde nord américain.
Tiens, ça m'intéresse... Alors je lis quoi d'elle ?
- "Beloved" est le plus connu et le plus lu de ses romans.
Une mère, apprenons-nous dès le début, a tué sa fille. Nous la suivons, dans sa vie quotidienne parsemée d'évènements étranges, merveilleux, sans comprendre ;
en retenant notre souffle ; puis en craignant de comprendre ; et puis en comprenant, et alors l'horreur nous glace.C'est l'histoire d'un questionnement qui vient de l'au delà, ou peut-être de sa fille survivante : pourquoi ?
Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir, c'est de rentrer dans ce roman hallucinant, dont on ne sort pas indemne.
- "Paradis" est le deuxième roman dont je voudrais parler.
On y rencontre des femmes seules en rupture de famille, qui se retrouvent dans une maison à l'écart d'une petite ville, Ruby, fondée par des Noirs qui voulaient y édifier une cité parfaite. Les habitants de la ville se haïssent, se méprisent et se déchirent eux mêmes.
Toni Morrison nous entraîne avec une force presque magique au plus profond du coeur des hommes et des femmes qui composent le roman. Sans complaisance, mais sans jugement, les personnages sont impitoyablement disséqués, fragiles, pitoyables, haineux, blessés, douloureux. Devant nous, les opprimés se transforment en oppresseurs, sans que l'on n'y puisse rien, et, comme pour la mère de Beloved, c'est en retenant notre souffle et les larmes aux yeux que nous voyons des êtres humains ordinaires basculer dans l'abjection.Ils auraient pu être nous, nous aurions pu être eux, dans cette inéluctable montée de la violence.
- Le dernier roman de Toni Morison vient de sortir : "Un don".
Il se situe au tout début de la traite des Noirs. A cet époque, dans le nouveau monde, l'esclavage n'est pas encore associé à la race. Dans une petite ferme, au milieu d'une nature sauvage, des hommes et des femmes, maîtres et esclaves, vivent ensemble : Jakob Vaard et sa femme Rebekka, qu'il a fait venir d'Angleterre, une Indienne, Lina, une innocente, Sorrow, rescapée d'un naufrage, et deux "engagés", Willard et Scully, qui cherchent à amasser de quoi acheter leur liberté et enfin Florens, achetée par Jakob Vaark, sur demande instante de sa mère, esclave dans la plantation du senhor Ortega.Chaque personnage est emblématique d'une servitude (celles des Blancs pauvres ; celle des Indiens ; celle des Noirs).
Pourtant le petit univers clos créé autour de Jakob ressemble à une famille. Mais, il n'en est rien...A dévorer !
"Un don", de Toni Morrison, traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne Wicke Éd. Christian Bourgois, 194 p., 15 euros.